Essais sur Corbeil, Yerres et Bondoufle

 

Afin de résister aux Vikings qui ravagèrent Paris en 843 et revinrent à plusieurs reprises, en empruntant avec leurs drakkars le réseau fluvial de notre pays, chaque comte protégeait sa propriété par des castrums, petits fortins en bois, sur motte, entourés de palissades, qui devinrent des places-fortes.

Les comtes de Corbeil et la défense féodale de Paris

Au temps de Charles Le Grand (897-956) duc des Francs, père d’Hugues Capet (941-996) Aymon 1er comte de Corbeil tenait cette place au nom du roi. A son décès sa veuve Elisabeth le Riche épousa Bouchard 1er de Vendôme (+ 1007) déjà comte de Melun et de Paris qui devint par ce mariage comte de Corbeil. Ce sont eux qui firent intégrer l’église Saint-Spire fondée par son prédécesseur dans la muraille défensive ceinturant Corbeil.

Désormais, la défense de Paris était réunie dans la main d’un seul responsable : Au sud, la place forte de Corbeil, à la confluence de l’Essonne et de la Seine, appuyé à terre par le donjon d’Yerres qui gardait le massif boisé de la forêt de Sénart. Du côté est, le château de Melun sur la rivière Marne, appuyée au sud par la place forte de Meaux et au nord-est et en amont par la tour fortifiée de l’ile de Noisy-le-Grand (93).

A titre d’informations non recoupées, les comtes de Corbeil, avant son acquisition par le roi de France, auraient été les suivants.

 -Mauger le Jeune de Normandie (c.963 – 1040), Comte de Mortain par sa femme Germaine fille d'Aubert de Corbeil.

-Guillaume de Corbeil, comte d’Avranches et seigneur de Gournay-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), dépossédé en 1112 du comté de Mortain par le comte de Normandie Etienne de Blois (1092-1154) car fidèle au roi de France. Il mourut religieux à l’abbaye de Saint-Maur vers 1067.

-Guillaume de Corbeil, dit Werleng, Werlong, Guerland ou Guerlenc (Le Prudent ?) par les Normands (c.998/1000 – après le 27/5/1067).

-Renaud ou Regnault de Corbeil (vers 1020- 1071), fils du précédent, un favori de Philippe 1er. (Cité en 1066)

-Bouchard II de Corbeil dit Montmorency (? -après 1071). Une charte de 1071 indique une donation par lui faite aux chanoines du cloître de Saint-Spire. Il est le premier époux d'Alix (ou Alésie ou Adélaïde) de Crécy fille de Hildouin III, comte de Montdidier, avec qui il a deux enfants : Eudes et Adélaïde de Corbeil. Bouchard II est tué par Étienne comte de Blois dans une guerre contre Philippe Ier. Sa veuve, Alix de Crécy se remarie avec Guy le Roux, comte de Montlhéry.

-Eudes de Corbeil (+ 1112), fils du précédent. Il hérite du comté de Corbeil vers 1077 ou 1078, puis ce comté reviendra au vicomte de Chartres Hugues III seigneur du Puiset, fils d’Adèle de Corbeil et époux d’Agnès de Blois. Membre de la dynastie des Plantagenets dont les possessions encerclaient le domaine royal, il mourut en 1132 lors des croisades et ses biens saisis par le roi Louis VI le gros (1081-1137) dit le batailleur, roi de France à partir de 1112 et fils du roi Philippe 1er. Avec cette saisie du comté de Corbeil, complétée par celui de Montlhéry en 1118, le roi peut circuler désormais sans entrave dans le royaume primitif d'Hugues Capet (Senlis, Orléans, Étampes, Poissy). Ce n'était qu'une étape dans la constitution de la future province d'Ile-de-France.

Yerres-le-Chastel, seigneurie et châtellenie capétienne 

Ce résumé permet de constater que la châtellenie d'Yerres, point d’appui de la place forte de Corbeil avait une fonction défensive. Pour cette raison, plusieurs seigneuries à vocation militaire évidente vont lui être rattachée féodalement, comme Gournay-sur-Marne, Conflans l’Archevêque, Bercy et autres.  

Ses premiers seigneurs 

L'un des premiers seigneurs connus d'Yerres serait Baudouin (1030-1070) fils d'Ansoud II et de Reitrude de Dijon. Sénéchal du comte de Corbeil et seigneur d'Yerres en 1060, il est dit de Beauvais de la branche Leriche de Corbeil car petit-fils d'Ansold 1er Leriche dit d’Auxerre  et de Raingarde de Dijon.
Son fils Baudoin de Beauvais de Corbeil lui succédera comme sénéchal et seigneur d'Yerres et se mariera avec Eustachie de Chatillon [1], vicomtesse de Corbeil et bienfaitrice envers les institutions religieuses suivantes :

Les donations pieuses d’Eustachie de Corbeil

Ces donations aux institutions religieuses sont dans la droite ligne des accords entre les premiers rois capétiens et la papauté. Elles se concrétisent par ;

  • En 1111, donation à l’église Saint-Jean-Baptiste du Jard, paroisse de Voisenon (Seine-et-Marne). Cette église deviendra abbaye rattachée à l’abbaye Saint-Victor. L'abbaye du Jard possédait une partie des terres de Vert-Saint-Denis (Essonne) ainsi que les prieurés de Melun et Villebéon.

 

  • En 1120, donation à l’abbaye clunisienne de Longpont (91) par la charte XVI du cartulaire de l’établissement confirmée par son fils en seconde noces le comte d’Etampes Ferry IV de Corbeil [2] . La donation comprenait trois hôtes avec leurs tenures et biens à Bondoufle, avec un boisseau de blé d’hiver, après accord des seigneurs locaux. [Marion CXCII (et non CCII), pp. 178-179]. Une donation similaire à la même abbaye de Longpont fut réalisée par Eustachie vers 1130 [Marion CLXXXIII, p. 174].

 

  • En 1132, donation à l’abbaye d’Yerres avec consentement de Jean d'Etampes son second mari, de Ferry son fils, de Beaudoin de Corbeil son gendre, et d'Aveline sa fille, de biens dont 4 arpents de terre à l'abbaye d'Yerres dont elle avait été la fondatrice quelques années auparavant. Son but était d’accueillir les religieuses “ errantes loin de leurs maisons ". Celles-ci venaient de différents monastères, de Champagne, de Picardie, et d'Argenteuil (après leur expulsion de l'abbaye Saint Marie d'Argenteuil dirigée par Héloïse).

Les autres seigneurs d’Yerres au XIIème siècle

La double vassalité de Renaud de Courtenay.

 

Ces donations aux institutions religieuses dans la droite ligne des accords entre les premiers rois capétiens et la papauté permettent à Helvise de Corbeil, fille de Ferry IV et petite-fille du second mariage d’Eustachie de s’élever socialement en épousant en 1444 Renaud de Courtenay, surnommé le Croisé (1120-1194) fils de Millon (1165- ?) et d’Ermengarde Elisabeth de Nevers. L’un des pairs du royaume descendant d’Atton 1er (985-1040) dernier comte de Sens, c’était un allié des Plantagenets alliés de l’Angleterre.

En 1147, Renaud part à la 2ème croisade en Palestine avec le roi Philippe 1er, hérite de son père et rentre avant le roi. Au retour de ce dernier, une dispute éclate et Renaud quitte le royaume en 1151 et s’établi [3] en Angleterre. Ses biens propres en France sont saisis par le roi, mais sa première femme et leurs deux filles alors mineures restent en France et conservent Yerres revenu en la main du roi.  

 La maison des Courtenay seigneur d’Yerres.

Elisabeth de Courtenay (1145-1206), fille aînée de Renaud épouse vers 1160 le jeune Pierre 1er de France (1130-1183 en Palestine) dernier fils du roi capétien Louis le Gros et frère du roi régnant Philippe 1er et Adélaïde de Savoie. Bien qu’il n’ait pas de responsabilité particulière à la cour, c’est un beau parti car il est seigneur de Montargis et Chateaurenard. De son côté, Elisabeth amène en dot la seigneurie d’Yerres dont elle a réuni les deux moitiés, celle de sa mère à l’autre moitié détenue par feu son oncle Baudouin de Corbeil époux présumé d’Amicie de Breteuil.    

Pierre 1er devenu seigneur d’Yerres par sa femme sera le premier maillon des Courtenay royaux subdivisés en quatre branches :

Le couple aura sept enfants dont quatre fils dont la postérité directe ne durera que pendant quelques générations.

Pour mémoire, ils s’agissaient de :

1) Pierre II de Courtenay (1165-1219) Empereur de Constantinople (1216/17), marquis (margrave) de Namur (1213), époux d’Agnès, comtesse de Nevers, d’Auxerre et Tonnerre. Branche aînée éteinte en 1285 avec Amicie de Courtenay x Robert II le noble d’Artois.

2) Robert 1er de Courtenay (1138-1269), époux de Constance de Toucy, bouteiller du roi Louis VIII, participe à divers combats contre l’Angleterre. Branche de Champignelles (89) éteinte en 1472 avec Jean de Courtenay (1410-1472) dit péjorativement Jean sans terre x Isabelle de Chatillon Porcien fille de Jacques amiral de France et de Jeanne de la Rivière.

3) Guillaume 1er de Courtenay (1169-1245) x Madeleine de Tanlay (89). Branche de Tanlay éteinte en 1383 avec Etienne de Tanlay x Jeanne de Marneaux.

4) Jean 1er de Courtenay qui suit est le continuateur des seigneurs d’Yerres :

Nota : Entre 1325 à 1410, Corbeil et Yerres faisaient partie de l’apanage du vaste douaire de Jeanne d'Evreux, reine de 1325 à 1328, veuve du roi Charles IV le Bel (1294-1328), dernier de la dynastie des capétiens directs.

La branche cadette des Courtenay d’Yerres

-Jean 1er de Courtenay naquit vers 1170 et l’on ignore encore le patronyme de son épouse. On sait seulement qu’il hérita de la seigneurie d’Yerres qu’il transmit à son fils aîné Guillaume 1er de Courtenay

-Guillaume 1er de Courtenay était seigneur d’Yerres et de Bondoufle, Revigny et Combs-la-Ville, selon l’hommage qu’il rendit le 28 juin 1255 à l’évêque de Paris Renaud de Corbeil. Par contre, on ignore le patronyme de son épouse.

-Guillaume II de Courtenay, fils de Guillaume 1er, participa aux croisades avec le roi Louis IX (Saint-Louis) où il fut prisonnier et racheté. Seigneur d’Yerres, Bondoufle et Combs-la- Ville, il mourut le 24 novembre 1279 et fut inhumé à l’abbaye d’Yerres. Il avait épousée Jeanne de Grignoles décédée au mois d’août 1276 à Yerres dont naquirent :

  1. Jean II de Courtenay, époux d’Isabelle de Corbeil, Seigneur d’Yerres, Combs-la-Ville et Revigny. Il aura deux fils, l’aîné Pierre III de Courtenay, époux de Jeanne de Courpalay, seigneur d’Yerres et Combs-la-Ville (dont postérité) et Guillaume surnommé Guillemain seigneur de Bondoufle et de Buzenval (1329)
  2. Guillaume III de Courtenay, seigneur de Bondoufle

 

La postérité de Pierre III de Courtenay et l’extinction des Courtenay d’Yerres.

Jean III de Courtenay seigneur d’Yerres (1334) époux de Marie de Vincy. Il se fit remarquer en combattant -les Anglais pour Philippe VI en Hainaut (1340), sous Jean de France, duc de Normandie.

On lui connait un fils Jean IV de Courtenay, mort en 1384 seigneur d’Yerres et du bail de Bercy, alors fief mouvant de la châtellenie d’Yerres. Il était l’ époux de Jeanne du Plessoy, dame de Vienne [4] . Sa veuve vendra une moitié de Yerres à Charles Bureau de la Rivière, que ses héritiers Louis Bureau de la Rivière et sa sœur Isabelle se disputeront par procès. L’autre moitié d’Yerres reviendra à sa fille Isabelle de Courtenay qui épousera Geoffry de Thourotte capitaine de Vivier-en-Brie (77).

Epilogue

C’est la fin des Courtenay royaux d’Yerres mais pas de leurs nombreux cousins plus ou moins éloignés.

En effet, le 15 janvier 1603, sous le règne de Henri IV des descendants de Courtenay, les sieurs Gaspard de Bléneau, Jacques de Chevillon et leurs frères Jean des Salles, René abbé des Échalis, et Jean de Frauville, adressent au roi Henri IV une supplique pour être reconnus comme princes du sang de la Maison de France en tant que Courtenay issus de Louis VI par mâles. Ainsi commence une offensive juridique qui durera plus de cent ans, tant qu'il y aura des mâles de cette famille pour la soutenir [5] . On ignore s'il en existe encore.

§§§

L’époque est au développement de la future province d’Ile-de-France en gestation qui va connaître un essor démographique à partir du XIVème siècle avant la stagnation de la guerre de Cent-Ans.

La suite concerne Bureau de la Rivière qui succède aux Courtenay et dont les héritiers vendirent Yerres à la famille Budé.

Et l'on ne peut connaître les familles Chevalier d'Eprunes et du Vignau qui forment l'ossature de ce site si l'on ne prend pas en compte le fait qu'ils sont à l'origine des vassaux de la 1ère maison d'Orléans, qu'ils cousinent avec le célèbre philosophe Guillaume Budé et auront des intérêts dans  les comtés de Corbeil et de Melun.   

§

 

[1] Eustachie de Chatillon, dite de Corbeil, née vers 1180, de Ferry IV de Chatillon et Comtesse, prénom ignoré. Serait décédée le 5 janvier 1132 à Yerres (91) à l'âge d’environ 52 ans avec inhumation à l’intérieur de l’église Notre-Dame d’Yerres. Sa tombe fut détruite par inondation en 1147. Mariée en première noce vers 1095 avec Baudouin IV de Beauvais puis en seconde noces vers 1112 avec Jean, Payen, dit Isembard d’Etampes. Vicomtesse de Corbeil et dame d’Yerres, Bondoufle en partie, Viry-Châtillon (91) Lieusaint (77) et Raray (60).  

[2] Ferry IV de Corbeil, comte d’Etampes, marié à Aélis Comtesse, seigneur d’Yerres et Bondoufle, chevalier de l’évêque de Paris.

[3] Renault de Courtenay sera fait baron de Sutton (Berkshire) par Henry II d’Angleterre et ne reviendra pas en France. Il fera souche sous le patronyme de Courtney

[4] Lors de son mariage avec Jean IV de Courtenay, Jeanne du Plessoy était veuve de Robert de Vieux-Pont, seigneur de Courville et Chailloue. Dont postérité Jean de Vieux-Pont époux de Jeanne de Vendôme, dame de Villepreux.

[5] Selon Le rang et le sang des Courtenay, magistral article publié en 2018 par Esambe Josilonus.

Date de dernière mise à jour : 18/01/2021

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