Vicomte de Melun et de Corbeil

La vicomté de Melun 

 

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La famille Chevalier et la vicomté de Melun dans le contexte des guerres de religion

En acquérant en 1447 la seigneurie briarde d’Eprunes (olim Esprennes-en-Brie) cédée par la vicomtesse de Melun Marie d’Harcourt (1420-1464) épouse de Jean Dunois (1402-1468) fils naturel du duc Louis 1er d’Orléans assassiné en 1407, le Trésorier de France et bourgeois de robe anobli Etienne Chevalier (1424-1474) prenait rang dans la vicomté de Melun.

Tenue depuis l’an 1000 par la noble maison de Melun, cette vicomté avait un statut spécifique et fonctionnait parallèlement au comté de Melun depuis l’année 1285 qui fut celle de la scission entre la branche aînée de noble Adam de Melun, qui tenait la forteresse de Blandy et la branche cadette de son frère Jean de Melun logée au château plus modeste de la Borde-le-Vicomte, de nos jours Châtillon-la-Borde.

Par contre, le siège seigneurial et judiciaire de la vicomté était situé dans l’île Saint-Etienne, à proximité du château comtal de Melun. Seule la branche aînée avait ses propres vassaux à Livry-sur-Seine, Vaux-le-Vicomte, Sivry, Lissy et Morsang-sur-Seine alors que la branche cadette se contentait des fiefs de l’Epine et vraisemblablement de ceux du Châtelet et de la Thibaudière.  

Ce statut d’origine féodale subira les modifications financières et sociétales initiées au temps de François 1er , sources de procès suite aux divergences  philosophiques et religieuses entre catholiques et protestants.

La seigneurie d’Eprunes dans la vicomté de Melun.

Après Etienne Chevalier époux de Catherine Budé, dit d’Eprunes pour le distinguer, la seigneurie revint en 1475 à son fils le maître des comptes Jacques Chevalier (1447-1498) mari de Jeanne Le Picart, également seigneur de Montreuil (93), de Vivier (89) et du Vignau (77). Sa sœur Marie épouse Nicolas II de Louviers était dame d’Yerres, Grigny, Merry-en-Brie avec des rentes à Bagneux Saint-Erblanc (92). Les biens revenant à sa cadette Jeanne Chevalier, femme du contrôleur des Finances Laurent Girard sont moins connus mais consisteraient en partie ou totalité de la maison d’Etienne Chevalier située rue de la Verrerie à Paris.

Après Jacques Chevalier, (1480-1563), qui rend hommage au roi en 1475 pour Eprunes, ses fils Pierre 1er (1483-1557) et Nicolas 1er (1495-1565) se portent adjudicataires à Provins en 1504 du fief du Vignau à Boissy-le-Châtel. Puis Pierre 1er Chevalier [1] est autorisé par le roi François 1er en 1526 à fortifier la maison seigneuriale d’Eprunes avec donjon, tour et fossés. Mais depuis 1498 et la lettre de souffrance accordée à Jeanne Le Picart veuve de Jacques Chevalier pour les seigneuries de Montreuil et Eprunes, nul hommage au roi n’a été réalisé. C’est seulement le 7 mars 1542 que l’aîné de la famille, le notaire et contrôleur des Finances du roi Etienne Chevalier second du nom rend hommage au roi en qualité de seigneur de la terre et seigneurie d'Eprunes, avec Justice haute, moyenne et basse, terres et dépendances.  

Le prochain aveu pour la seigneurie Eprunes sera rendu devant la chambre des comptes de la reine-mère aura lieu le 20 avril 1564 par le conseiller au Parlement Pierre II Chevalier (1522-1583) évêque de Senlis et fils de Pierre 1er et de Marie Guillart. Cet hommage tardif résulte du contexte féodal originel de la vicomté de Melun et du conflit philosophique et armé qui se prépare entre catholiques et protestants, chaque camp comptabilisant ses places fortes.    

La seigneurie de La Borde-le-Vicomte 

En 1497, le parlementaire et Président de la Chambre des Comptes [2] Gui 1er Arbaleste (1430-1514) époux de Charlotte de Marle (1430-1499) acquiert la seigneurie et son château de Borde-le-Vicomte vendue par les héritiers [3]  du Grand-Maître de France Charles de Melun décapité au Petit-Andelys (Eure)  sur ordre du Roi Louis XI, pour avoir laissé échapper Antoine de Châteauneuf  prisonnier à Loches. A sa mort, cette seigneurie qui, comme Eprunes, fait partie de la vicomté de Melun revient à son fils Jean Arbaleste conseiller au Parlement comme son père, seigneur de Néron (28) par sa femme Madeleine fille de Jean de Fragelais, et de la Borde-le-Vicomte par héritage paternel. A la mort de son père vers 1540, son fils et héritier Guy II de L'Arbaleste (1512-1570), alors président à la Chambre des Comptes, achète la part principale de la vicomté de Melun le 29 mars 1541 cédée par François d’Orléans Longueville, marquis de Rothelin, vicomte de Melun et seigneur de Blandy, importante plate-forme défensive. Le marquis est l’époux depuis le 19 juillet 1636 de Jacqueline de Rohan Gié, fervente propagandiste de la cause protestante dans la région. On le dit aussi au mieux avec Françoise Blosset, fille du chambellan Jean Blosset seigneur du Plessis-Pâté, jouxtant Bondoufle (Essonne).

Guy Arbaleste et Madeleine Chevalier, vicomte de Melun puis de Corbeil

Vers 1542, Guy II se marie avec Madeleine Chevalier fille du maître des comptes Pierre 1er Chevalier et Marie fille du Président au Parlement Charles Guillart et de Geneviève de Vignacourt. La mariée est nièce de Louis Guillart d'Epichelière, futur évêque de Tournai. Elle est également arrière-petite-fille d’Etienne Chevalier et Catherine Budé, acquéreur depuis 1447 de la seigneurie d’Eprunes.

Après ce mariage, Guy II Arbaleste acquiert le 25 janvier 1549 (Y 94 fol. 236 Notice n° 3053), l’autre partie de la vicomté de Melun, dont La Borde-le-Vicomte, vendue par Claude d’Annebault, amiral et gouverneur de Normandie, baron de Retz et de la Hunaudaye qui devait rembourser une dette de 3.000 écus d’or au secrétaire des Finances Nicolas de Neufville (1480-1555) afin de payer rançon aux Impériaux qui l’avaient fait prisonnier en 1537 lors d’une bataille en Picardie.

Puis en juillet 1552, Guy II Arbaleste acquiert en totalité la vicomté de Corbeil, qui comme celle de Melun, évolue parallèlement à son comté. Il est alors  Président de la Chambre des Comptes d’Henry II et sa double vicomté fait des envieux, bien que la seigneurie d’Eprunes restera aux mains de son beau-père Pierre 1er Chevalier jusqu’à sa mort au mois de février 1567. Sa veuve Marie Guillart fera alors donation de ses biens le 6 mars (Y//108 f° 187) à leur fille Madeleine qui les apporte dans sa communauté avec le vicomte Guy II Arbaleste. Il s’agit des seigneuries du Tertre, avec sa ferme près de Dourdan et de Reutilly, près Torcy en Brie. S’ajoute la moitié d'un fief et d’une ferme à Réau sur la vicomté de Melun et des vignes à Brévannes et Valenton-en-Brie. Par contre, on ignore ce qu’est devenue la seigneurie d’Onz-en-Bray (60), héritage de la donatrice Marie Guillart qui vit au château de la Borde-le-Vicomte et fera en 1575 une rente de 25 Livres à son serviteur Jean Bigot avant de mourir quelque année après.

Désormais, la famille Chevalier compte dans ses rangs la vicomtesse de Melun et de Corbeil, au cœur de la période des guerres de religion.   

L’héritage de la fratrie Chevalier divisée entre catholiques et protestants

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Comme de nombreuses familles d’alors, les héritiers directs de Pierre 1er Chevalier et Marie Guillart sont divisés entre protestants et catholiques :

  1. Les protestants déclarés sont l’aîné Charles Chevalier et son cousin germain Guillaume Chevalier. Leur beau-frère Guy II Arbaleste vicomte de Melun et de Corbeil est plus discret et officialisera sa position de protestant dans les années 1565.
  2. Les catholiques sont Madeleine Chevalier sœur des précédents et épouse du vicomte ci-dessus, ainsi que ses frères Pierre II, évêque de Senlis et Nicolas 1er  seigneur du Vignau.
  3. D’autres sont incertains, tant du point de vue filiation que partisans de l’un ou l’autre camp, la prudence étant de mise à cette époque sanglante.

L’héritage était basé sur le fief Chevalier à Bagneux (92), depuis 1551 aux mains de Guillaume Chevalier, tandis que celui des catholiques était constitué depuis 1447 par la seigneurie d’Eprunes, augmentée en 1504 par celle du Vignau (ou Vigneau), auxquelles s’ajoutaient des fractions de la vicomté de Corbeil à partir de 1552.

Compte tenu de ces répartitions et du fait que dès 1551, Guillaume Chevalier avait demandé la cessation d’indivision des biens paternels, ce sont en majorité ses propriétés qui feront office de variable d’ajustement jusqu’à l’avènement d’Henri IV en 1593. Entre ces deux dates, 1551 et 1593 se rérouleront les principaux faits marquants  des périodes les plus chaudes des guerres de religion, avec en point d’orgue le massacre de la Saint-Barthélemy en 1572. La période sera fatale aux deux protestants, Guillaume Chevalier mort de maladie en 1568 et qui aura été pendant trois ans seigneur par sa femme de la Grange du Milieu à Yerres, suivi par son cousin germain Charles Chevalier tué en 1572 los de la Saint-Barthelemy aux côtés du chef protestant l’amiral de Coligny.

Les péripéties familiales ont été difficile à découvrir en raison des nécessités de la lutte clandestine et du militantisme protestant surveillés par les autorités royales. De ce fait, certains actes notariés sont sujets à interprétation parfois divergentes. Par exemple, dans sa demande d’indivision, Guillaume n’indique à aucun moment sa filiation, même discrétion dans son testament où il désigne son  clusin germain Charles sous son nom de guerre « Prunay » et non par son autre prénom Etienne. C’est la même chose pour l’épouse de Guillaume Chevalier nommée Jeanne Escoréol, mais dite aussi Descourreau ou Escoriol ou bien mademoiselle de Bagneux, eu égard au fief de son époux. 

Un couple discret, les protestants Guillaume Chevalier et Jeanne Escoreol

Né vers 1516 en un lieu et de parents encore ignorés, Guillaume Chevalier après avoir effectué ses études à l’université d’Orléans entre en qualité de greffier à la Chambre des comptes de Paris où sa première intervention date du 2 septembre 1534. Puis il sera en 1553 greffier en chef et enfin maître des comptes de 1554 à 1568. Pendant cette période il fut cité le 13 mai 1566 pour les remontrances faites au roi sur l’édit de Moulin et les biens de la couronne puis le 2 mai 1666 contre les agissements financiers des trésoriers de guerre. (Pièces justificatives dans l'histoire des 1er Président (1506-1791) de la Chambre des Comptes par de Boisville).

Bourgeois d’Orléans à l’origine, Guillaume Chevalier se fixa à Paris en acquérant une maison d’habitation le 25 février 1541 (MC/ET/VIII/68 f°267 notaire Claude Boreau). Converti au protestantisme dans les années 1549, il demandait à son oncle Pierre 1er Chevalier la division du patrimoine familial pour motif religieux dans un acte daté du 6 novembre 1551 qui fonda son patrimoine foncier dont la composition fait suite.

Son environnement familial

Guillaume Chevalier qualifié de seigneur en partie de "Baigneux-Sainct Berland", conseiller du Roi et maitre ordinaire en la chambre des Comptes à Paris épousa vers 1563 Jeanne Escoréol (1515-1602) dame de Villebourgeon (41) fille du maître des comptes et conseiller au Grand Conseil Jean Escoréol seigneur de Faronville (45). Un contrat fut rédigé plus tard le 13 avril 1565 confirmant la donation mutuelle entre époux (Y 106 Notice n° 792 du 13 avril 1565 fol. 7).

Guillaume Chevalier décéda de maladie le vendredi 7 mai 1568 à l'âge d’environ 58 ans, après avoir rédigé son testament (Y/108 du 25 Juin 1568)

 -1) La succession de Guillaume Chevalier

En 1551, Guillaume Chevalier alors maître à la chambre des comptes demande pour des raisons religieuses la division du patrimoine familial. Sa demande est acceptée, sous condition que les deux seigneuries d’Eprunes-en-Brie acquises en 1477 et celle du Vignau, achetée par adjudication à Provins en 1504 par Pierre 1er et son frère Nicolas 1er Chevalier, au dépend de Pierre de la Ferrière et Marguerite de Pisseleu, restent en indivision. Par la suite, Pierre 1er sera seigneur d’Eprunes et Nicolas 1er de celle du Vignau relevant de l'abbaye de Saint-Denis et des privilèges apostoliques.  

Conformément à l’accord familial stipulé dans l’acte, Guillaume vendra ses seigneuries en franc-alleu de Béru-en-Tonnerrois et de Remillon, mouvantes de Champagne et de la vicomté de Saint-Florentin (Yonne) au procureur en la cour du Parlement Christophe Chauvelin, contre une rente annuelle et perpétuelle de 200 livres tournois l'an au principal de la somme de 2.400 Livres Tournois.

En contrepartie, Guillaume héritait de la totalité du fief Chevalier et de sa maison seigneuriale avec ferme rue de la Poterie à Bagneux-les-Paris (Hauts de Seine), venant de l'héritage depuis le 22 juillet 1492 de son aïeul Jacques Chevalier (1447-1498) seigneur de Montreuil (Seine-Saint-Denis) et de Jeanne Picart sa femme. Ce fief de bon rapport comprenait les lieux-dits (Blouis, Luisette, Le Louche, Les sablons, Pichet, Letartre, Cocquat, La Sarazine,  Saint-Etienne, Le Veu, et Bourg-la-Reine).
Guillaume Chevalier possédait également en association avec Marie Dupré, veuve d'Eustache Le Picart, seigneur d'Ogny et Montguichet (77) et l'écuyer Louis Chevalier une maison à Paris et une ferme à Villeneuve-Saint-Georges.

Le testament de Guillaume Chevalier

Guillaume Chevalier marié tardivement n’avait pas d’enfant de son mariage avec Jeanne Escoreol.  Quelque temps avant son décès, il avait fait rédiger un  second testament, le premier étant daté du  30 août 1553 alors qu'il n'était pas encore marié , suivi d'un second daté du 10 mai mai 1568, alors qu'il était malade et alité, renflorcé par un codicile du 25 juin 1568 (Y/108) et aux termes de ses décisions, ce testament mentionne que Guillaume faisait plusieurs rentes en faveur de sa parenté et de ses proches :

  • 1) Une rente de 200 Livres tournois à son neveu (par alliance) Jean Escoreol faisant moitié de 400 Livres de rente qui lui ont été versées par ses cousins l'évêque de Senlis et son frère le général des Prunes, cousin germain du dit testateur. Guillaume Chevalier ne les nomme pas par leurs patronymes de Pierre et de Charles Chevalier mais par leur fonction, soit par discrétion ou sentiments divers. 
  • 2) Légue également à ce neveu la moitié des meubles, dettes, conquêts ou immeubles acquits depuis son mariage de 1565 avec Jeanne Escoreol. Veux que son plan ait force et valeur et a nommé comme executeurs testamentaires  Jeanne Escoreol et Jean Escoreol son beau-frère conseiller en Parlement.
  • 3) Une rente de 12 Livres Tournois à Madeleine Saleron, fille de l'avocat parisien François Saleron (1510-1579) et de Marie Malingre (1525-1602). Par la suite, Madeleine épousera le 18 juin 1578 le protestant Simon Baudichon, docteur régent à la faculté de médecine.
  • 4) Une rente identique à Marguerite Saleron sœur de la précédente. Avec sa mère Marie Malingre, elle percevait en 1579 une rente de 25 Livres par Marie Thibault épouse de René du Moulinet, belle-sœur de l’auditeur à la Chambre des comptes Jacques Luillier. 
  • 5) Une rente de 12 Livres à la première fille du maître des comptes Jean  Veau (1550-1596) fils du receveur général des finances Alain Veau et de Jeanne de Neufville de Villeroy, marié en première noce le 19 janvier 1575 avec Françoise Séguier fille de Nicolas Séguier et de Claude de la Forge. Françoise Séguier était la filleule et nièce du prieur de Solesmes Martin Séguier (1510-1575) et seigneur de Drancy (93) Ce dernier est frère du président au Parlement de Paris Pierre 1er Séguier (1504-1580) époux de Louise Boudet. Martin Séguier était vice-gérant du conservateur des privilèges de l'Université de Paris Odet de Coligny évêque de Beauvais et avait été en procès dans les années 1560 avec un membre de la famille de Jacques Fouyn. Ce détail apparent fera l'objet d'un chapitre spécifique eu égard à son importance pour la suite de cette étude.

La succession de Guillaume Chevalier

Elle sera réalisée le 16 décembre 1574, soit six années après son décès, à la requête du président Christophe de Thou époux de Jacqueline Tuleu, cousine du défunt. L’acte mentionne que le fief Chevalier de Bagneux fut vendu pour la somme de 1750 Livres à l'apothicaire et épicier Godefroy Roussel, époux de Jeanne Coudelle. Par contre la famille Chevalier conservera les 3/11ème du fief Chevalier qui seront aliénés en 1612 à Pierre Ruelle, chantre et chanoine de Notre-Dame qui achètera ensuite la totalité du fief qui reviendra à son héritier Guillaume Ruelle conseiller au Parlement et chanoine de Paris (MC/ET/XXIII/124 du 23 avril 1612 et MC/ET/CII/47, folio 270 du 17 janvier 1633).

Lors du partage de 1574, les ayant-droits de feu Guillaume étaient ou avaient été :
-Sa tante supposée Marie Guillart, veuve de feu Pierre Chevalier décédé en 1563, ainsi que son cousin germain Charles Chevalier tué en 1572 à la Saint-Barthélemy. Ce dernier avait préalablement fait donation de sa part à sa filleule Suzanne, orpheline de feu l'officier protestant Jean de Paz de Feuquières époux de sa nièce Charlotte Arbaleste. Cette dernière s’était remariée en secondes noces, deux années après le partage, avec Philippe Du Plessis Mornay (1549-1623), surnommé le pape des protestants.

Les autres héritiers de Guillaume et de son fief de Bagneux étaient
-Marie Barthelemy veuve de feu Nicolas Chevalier (1490-1565) et ses deux enfants  l'avocat Jean II Chevalier, époux de Charlotte Teste et sa sœur Anne de Brion, épouse de Gérard de Brion seigneur d'Orcheux (77).

Selon l’acte successoral , Jeanne Escoréol veuve du défunt Guillaume avait été défrayée en percevant de 1571 à 1574 les revenus des baux de Bagneux, avec l'accord de Jacques III Chevalier (1519- 1572), alors seigneur de Montreuil (93) époux de Barbe Avrillot. Elle bénéficiait également de sa propre succession.

La seigneurie d’Eprunes de la famille Chevalier change de mains au profit de celles du protestant Duplessis-Mornay

 

Au final, les protestants Charles et Guillaume n’ayant pas de descendance, la seigneurie familiale d’Eprunes reviendra en totalité et par mariage au théologien protestants Philippe de Mornay  lorsqu'il épousera en 1576 à Sedan Charlotte Arbaleste, fille du vicomte de Melun et de Corbeil Guy II Arbaleste et nièce de Charles Chevalier. Bien entendu, les autres membres de la fratrie avait donné leur aval, notamment Madeleine Chevalier et son frère l’évêque Pierre II, surnommé à Paris « le père des pauvres », les deux seuls qui rendirent aveux au roi  respectivement les 20 avril 1564 et 7 février 1584. Après cette date, l’aveu est rendu au roi par Guy III Arbaleste, fils de Guy II en date du 8 juillet 1591. 

A partir de 1569, alors qu’il était malade en son château de La-Borde-le-Vicomte, de nos jours Chatillon Laborde (77) Guy II Arbaleste se déclarera ouvertement protestant. Aussitôt, les autorités royales saisissent ses biens en 1570 et installent une garnison sur place. Toujours en droit vicomte de Melun et de Corbeil, le couple s’installe au château du Vignau tenu par le conseiller au Parlement Jean Chevalier, fils de Nicolas 1er et Marie Barthelemy, cousin de Madeleine. C’est d’ailleurs en ce château que cette dernière décédera le 31 décembre 1590. Elle avait tenté de conserver les biens tenu par son défunt mari par plusieurs procès en justice revendiquant ses titres de dame vicomtesse du comté de Corbeil. Elle détenait notamment un fief à Bondoufle (91). Mais les frères Jean et Dreu Budé, famille alliées de longue date , lui contestaient ce droit, ce qui provoqua un combat féodal et judiciaire dit « combat de fief » qui se terminera par une transaction financière au dépend de Madeleine Chevalier et la reprise de Bondoufle en la main du roi, définitivement intégré dans le comté via sa châtellenie de Corbeil. (Ancien inventaire AD 78 n° 1268 Aveux).

Son combat était perdu d’avance car elle ne pouvait résister à la pression des autorités royales pour reprendre la vicomté de Corbeil revendiquée par le ministre Nicolas IV de Neufville de Villeroy, gouverneur de Corbeil et engagiste de son comté qui n’acceptait pas que la vicomté ait un statut particulier. Il intervint d’ailleurs à plusieurs reprises auprès du roi en ce sens. 

Ainsi la seigneurie d’Eprunes était définitivement perdu pour le rameau aîné et protestant de la famille Chevalier issue de Pierre 1er Chevalier et Marie Guillart.

Par contre, la seigneurie du Vignau acquise en 1504 restait aux mains de Nicolas 1er Chevalier du rameau puîné et fera l’objet d’une note séparée.

Jeanne Escoréol, avant son mariage avec  Guillaume Chevalier

Jeanne Escoréol était dame de Villebourgeon en Sologne (41) et investissait dans le développement de la librairie parisienne (documents pour servir à l'histoire des libraires de Paris 1486-1600 par Jérôme Pichon), notamment le 19 août 1561 avec l’imprimeur Louis du Rozé, libraire près le collège Mignon à Paris en rachetant une rente de 150 Livres tournois qu'elle avait acquis de ce libraire. Elle fera de même le 4 avril 1565 avec l’imprimeur du roi Robert Estienne et Madeleine Barbé sa femme et Charles Périer libraire juré (MC/ET/LXXIII/58 f°360). Elle demeurait alors avec son second mari Mathurin Vaillant rue du Palais du Terme alias des Mathurins, faisant l'un des coins de la rue de Sorbonne à Paris. (MC/ET/XXXIII/180 du 3 septembre 1565)

En 1573, Jeanne reçoit deux autres donations :

  •  La moitié des biens de son défunt mari Mathurin Vaillant (Cote : Y//112-Y//118 - fol. 215 V°) qui lui sont retournés par Jean Escoréol de la maison de la duchesse de Ferrare et frère de Jeanne.
  • En tant que veuve de Mathurin Vaillant (Insinuation Y//114 du 24 avril 1573 fol. 54 V°) les biens meubles créances et conquêts d’immeubles que son défunt mari avait provisoirement donné à Jacques Violle (1517-1584), seigneur d'Aigremont et d'Andrezel, conseiller du Roi en la cour de Parlement et veuf de Philippa Bailly. Ce retour indique clairement que les donations implantées à Yerres venaient de la famille Budé qui tiennent cette seigneurie depuis 1452. En effet, Philippa Bailly, fille de Jean Bailly et Marie Françoise de Feugerais, dame d’Ozeraux et Hervilliers est par sa sœur Marie la belle-sœur de Jean III Budé (1495-1547) trésorier et garde des Chartes du roi et neveu du bien connu philosophe Guillaume Budé. Ce dernier est d’ailleurs cousin de Jacques Chevalier (1447-1498), lui-même grand-père de Guillaume Chevalier.

Protestante confirmée comme son époux, Jeanne Escoréol était surveillée par l'administration royale (Selon « La France protestante » tome 4 par Haag, rapport de police daté de 1562 et B.N. Mss. Pièces originales, vol. 080, dossier iS 929 « Le conseiller Escoréol et sa femme sont allé aux prêches avec la veuve Vaillant qui a fait baptiser son enfant à la huguenote.)

Son frère Jean Escoréol le jeune

Jeanne Escoréol était sœur de Jean Escoréol (1518-1588), conseiller et maitre des Requêtes ordinaire de la princesse Renée de Ferrare (fille du roi Louis XII et d’Anne de Bretagne) duchesse de Chartres et dame de Montargis. A titre de remerciement, cette dernière lui légua par testament en 1575 la somme de cinq milles livres tournois. (« Le testament de Renée de France, duchesse de Ferrare". H 573.)

Sa succession comprenait une part de la seigneurie de Villebourgeon reprise par Charles Sachet ainsi que l’usufruit du fief de la Grange-du-Milieu à Yerres pour la période allant de 1568 à 1573 revint vraisemblablement à son fils aîné Mathurin Vaillant second du nom issu de son second mariage. On ignore si elle avait eu postérité de son premier époux et n’en eut pas de Guillaume Chevalier son troisième époux. En fait, il se pourrait que ce dernier mariage conventionnel soit purement conjoncturel afin de conserver les héritages en cette période spécifique de conflits religieux.

Jeanne Escoreol reçoit donation de la Grange du Milieu à Yerres (91) par Madelon Hunault

Jeanne Escoréol, d’une famille aisée, reçoit le 13 février 1563 de l’angevin Madelon Hunault de la Thibaudière et sa femme Françoise Richomme la ferme dite la "Grange du Milieu » à Yerres-le-Chastel (91) par acte passé devant Mathurin Le Pelletier notaire à Angers. La donation est garantie de tout trouble ou douaire et la description de la donation est faite en l’absence de Jacques Fouyn prieur d’Argenteuil (Ce qui implique qu’à cette date le religieux possédait des droits sur les lieux) soit « Deux arpents avec corps d’hôtel, galerie, chapelle, grange, étable, jardin le tout ensemble entouré de haies vives et vignes appartenant à la dite ferme ».

L’acte de donation ci-dessus est repris dans un second acte passé devant Herbin notaire au Châtelet et insinué le 10 juin 1668 (Y//113 - Notice n° 4664 fol. 424 V°) dans lequel le patronyme de Jeanne Escoreol est orthographié Escoureau (il varie selon les actes constatés de Escorcol, Escoriol, d'Escoreol, Escureul) Le document précise que la Grange-du-Milieu avait été acquise par échange avec l’avocat parisien récemment décédé François Hunault, frère aîné du donateur Madelon Hunault (François Hunault avait été époux en première noce de Germaine de Villebresme puis de Françoise Perrin). Ce second acte nous apprend également que Jeanne Escoréol avait été mariée une première fois avec le conseiller au Parlement Jean Bailleau (non identifié) puis en seconde avec Mathurin Vaillant aussi conseiller et enfin avec le maître des comptes Guillaume Chevalier.

Enfin, un troisième acte daté du 13 février 1573 à Angers passé devant le même Mathurin Le Pelletier et rédigé au domicile du donataire Madelon Hunault  mentionne comme témoin François de la Viéville ( Serait apparenté par hypothèse à François de Viesville seigneur du Fresnoy époux d’Anne de Neuville dont les biens d'Hernicourt, Béthonval, Béthonvalet et Saint-Martin-Elise (sources AN Pas de Calais, série B 375 de 1525 à 1551)  furent confisqués en 1546 pour fait de guerre par l’empereur Charles V dit Charles Quint (1500-1558) grand-père d’Elisabeth de Habsburg dite d’Autriche fille de Maximilien II et reine de France par mariage en 1570 avec le roi Charles IX (sources AN Pas de Calais, série B 375 de 1525 à 1551). L'un de ses secrétaires, l'angevin Madelon Hunault de la Thibaudière et de la Grange du Milieu, ami personnel du ministre Nicolas IV de Neufville de Villeroy cédera cette Grange du Milieu et ses dépendances à Jeanne Escoréol, femme puis veuve du maître des comptes Guillaume Chevalier puis à maître Jacques Fouyn, abbé bénédictin d’Argenteuil.

C’est ce religieux qui va dorénavant gérer, agrandir et bénéficier de l’usufruit du domaine de la Grange-du-Milieu. Il bénéficiera de l’appui de la cour royale tenue par le duc d’Anjou dont il était maître des requêtes et aumônier. Il mourut en 1602 après avoir obtenu le privilège royal de fortifier son domaine avec tour et fossés. C'est l'ancêtre du château dit du maréchal de Saxe. 

Le chapitre suivant sera consacré à Jacques Fouyn et sa famille

 

[1] Pierre 1er Chevalier sera successivement Secrétaire du roi et greffier de la Chambre des Comptes de François 1er à compter du 13 mai 1517, en exercice jusqu’en mai 1557. Egalement conseiller du Roi et général des finances en Poitou. En 1527, l'un des gouverneurs à Paris de la chapelle et de l'hôpital du Saint-Esprit-en-Grève. Seigneur de Montreuil-sous-Bois (93), d’Eprunes et du Vignau (77) et en partie de Grigny (91).

[2] Gui 1er Arbaleste était fils de Jacques Arbaleste, avocat-général au parlement de Dijon, et lieutenant général en la chancellerie du duché de Bourgogne, échevin et maire de Beaune de 1525 à 1531. Il était époux d’Huguette Margueron, fille de Guy avocat général au Parlement de Bourgogne.   

[3] Les héritiers de Charles de Melun étaient Antoine, bailly, gouverneur et vicomte de Melun, époux de Catherine de Jouffroy et ses sœurs Marie et Jeanne de Melun.

Date de dernière mise à jour : 04/03/2021

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