L' archiacre de Tournai

 

L'archidiacre et l'évêque de Tournai (Hainaut)

L'évêque Louis Guillart de l'Epichelière fut pourvu de l’évêché de Tournai (Hainaut) le 8 juin 1513. Il succédait à Charles de Hautbois, originaire de Châtellerault (86), qui avait été le premier abbé commendaté de l'abbaye augustine de Livry (93) de 1492 à 1499, puis abbé de Saint-Amand-les-Eaux (59), avant d’être muté en 1507 à Tournai alias Doornik, cité épiscopale du Hainaut en  Wallonie sous le nom de l’évêque Carolus 1er  de Hautbois [1]. Malade au début de l’année 1513, il résigna en faveur de Louis Guillart mais à peine installé, le nouvel évêque fut chassé le 25 septembre 1513 par les troupes anglaises. En fait, la province du Hainaut était l’objet de contestations entre l’Empire des Habsbourg et les royaumes de France et d’Angleterre, conséquences du partage de l’empire franco-bourguignon du  prince Charles le Téméraire .

L’évêque hors de son diocèse

Contraint de quitter son évêché, l’évêque Louis Guillart se fixera provisoirement à Courtrai puis revient à Paris vers 1517. En 1519, le roi d'Angleterre Henri VIII vendit Tournai pour la somme de 50.000 écus d'or au roi de France François 1er. (thr English occupation of Tournai p. 275 (Wiki) et Louis Guillart de l’Epichelière, évêque en titre, repris son siège épiscopal. Mais pendant son séjour parisien, et afin de subvenir à ses besoins, le prélat s’était associé avec son cousin Germain Vivien [2]  grenetier au grenier à sel de Paris dans le commerce international et le prêt sur gages. Les deux associés connurent plusieurs déboires financiers suivi de procès qui durèrent plusieurs années, notamment à propos :

1) D’un prêt de 1.000 écus d’or soleil accordé par Louis Guillart à Eustache Le Doyen marchand de Beauvais, associé avec Thomas Barnabé, marchand anglais, garanti par un gage constitué d’un lot de bijoux et rubis. En fait, la valeur du gage était surévaluée et fut racheté pour 670 écus en 1528 par les orfèvres et frères Jean aîné et Guillaume Barbedor. (Recueil d'actes notariés relatifs à l'histoire de Paris et de ses environs au XVIe siècle par Coyecque, Ernest, 1864-1954, p.99).

 

2) De la délivrance de sauf-conduits à des marchands entre France et Empire, cautionnés par l’évêque pour la somme de 12.000 Livres à verser au cardinal de Liège et 9.000 aux banquiers chargés des bulles.

C’est donc dans des conditions difficiles que Louis Guillart reprend en 1519 l’évêché de Tournai, secondé par deux archidiacres, dont l’un se nomme Jean Chevalier, patronyme porté par le receveur général du Poitou  Pierre Chevalier (1483-1587), époux de Marie Guillart [3] sœur de l’évêque.

Le nouvel archidiacre Jean Chevalier et ses proches

L’archidiacre Jean Chevalier (1470-1545) arrivé à Tournai en 1519, était fils de Pierre Chevalier (1440-1527) et de Thomasse (Thomassée) de Saint-Amand (1439-1504). Son père était notaire au Châtelet de Paris depuis 1479 en l’étude VIII rue Saint-Denis, avec Simon Baudequin et Roger Rohart du 13 février 1499 au 5 avril 1509, puis du 11 avril 1509 au 19 avril 1519 et enfin du 3 avril 1521 au 28 mars 1523

Après la mort de son épouse Thomasse, le notaire Pierre Chevalier s’était remarié vers 1507 avec Catherine Le Bossu (1470-1545), fille de Denis 1er le BOSSU (°1435 +1505), marchand bourgeois de Paris, et de BARET Catherine (°1448 +1533).  Son père était seigneur en partie de Montmagny (95) et elle était veuve de Dreux LESCORCHÉ Dit Drouet (1460-1504) marchand drapier à Paris qu'elle avait épousée vers 1495. Leur postérité partielle figure à la suite

Après le décès de son père, Catherine Le Bossu avait héritée en partie de Montmagny (95) venant de l'héritage paternel, qu’elle apporta lors de son remariage avec le notaire Pierre Chevalier veuf de Thomasse de Saint-Amand. Comme il était d’usage, avant le remariage, avait été établi le compte de tutelle de Jean Chevalier (1470-1545) fils du premier lit du notaire Pierre Chevalier. Daté du 15 janvier 1505 (MC/ET/VIII/8 et MC/ET/VIII/7 - MC/ET/VIII/27 - MC/ET/VIII/8), ce document établi que Jean Chevalier jouissait de ses droits d'âge, était avocat et héritait du 1/5ème de l'héritage maternel (meubles, bêtes à corne, animaux, revenus d'héritage, cens, rentes et argent prévu au contrat d'avril 1500. Au total, l'héritier percevait la somme de 900 Livres dont 305 versé par l'examinateur au Châtelet Jean Laloyau [4].  

Par la suite, et comme il a été mentionné précédemment, Jean Chevalier sera de 1519 à 1528 environ l'un des deux archidiacres de Tournai assistant l’évêque Louis Guillart. Puis l’on perd sa trace à Paris.

        Du premier lit de Catherine Le Bossu avec Dreux Lescorché était née Charlotte LESCORCHÉ, mariée le 8 avril 1516 à Paris avec Jean 1er ROUILLÉ fils de Pierre et Marie Bigot. Dans le contrat de mariage (MC/ET/VIII/14) rédigé à cette occasion, le notaire Pierre Chevalier (1440-1527), beau-père de la mariée, fait donation de 120 Livres venant d'une dette de feu Guillaume Parcou de Tournai. Ainsi est-il établi que ce notaire parisien avait des intérêts dans cette localité wallonne, base d’un courant d’échanges commerciaux, dont bénéficia certainement son fils Jean. Par contre, aucun élément tangible ne permet pour le moment d’affirmer que le père et le fils Chevalier soient apparentés à l’évêque Louis Guillart. 

Les biens immobiliers du notaire Pierre Chevalier

A partir de 1482, le notaire Pierre Chevalier  entame la gérance de son patrimoine immobilier à Paris et sa région  par la vente à rente le 30 novembre d’une maison avec jardin et treize arpents située à Foucherolles (45) suivi de ventes de blés sur ses terres de Silly-en-Multien (MC/ET/VIII/17 du 7 avril 1483) puis baille ses 8 arpents de terre à Epinay (MC/ET/VIII/17 du 12 octobre 1483) ainsi qu’un corps de plusieurs maison rue Saint-Honoré à Paris (MC/ET/VIII/21, du 20 mars 1487) qu’il a acquis la même année du maréchal-ferrant Jean de Vallois. A ces biens s’ajoutent une maison et 2 arpents de vignes situés à Nanterre (1er décembre 1486) ainsi qu’un fief localisé à Livry-en-l'Aulnoye, de nos jours Livry-Gargan (93) qu’il a acquis en 1487. Il s’agit du fief de la Poterne situé à proximité du château de cette seigneurie ayant appartenu jadis aux frères Guillaume de Garlande.

Origines et caractéristiques du fief de la Poterne de Livry-en-l’Aulnoy.

Ce fief apparu en 1352, relevait alors de Charles de Chambly seigneur de Livry (93) puis revint en  mars 1407, à Isabeau la Picarde (Picart) veuve du marchand de vin parisien Geoffroy le Picart. Un premier hommage fut rendu au seigneur de Livry le 5 août 1450 par Renault Bonouvrier qui vendra le fief en 1484 au maréchal-ferrant Jean de Vallois déjà cité. Ce dernier cédera le fief en 1487 au notaire Pierre Chevalier qui en rendra hommage à Antoine de Chabannes comte de Dammartin-en-Goële (77). Par la suite, ce dernier cédera le fief et la seigneurie de Livry en retrait lignager à Aymard de Prie seigneur de Villemomble le 17 mars 1501. A l’époque, le fief comprenait encore 65 arpents de terres de cultures, et cinq maisons d’habitation réparties dans 3 cours communes, l’ensemble situé face au château de Livry.

A partir de son remariage avec Catherine le Bossu vers 1508, le notaire Pierre Chevalier va compléter son patrimoine foncier par l’acquisition de plusieurs maisons au faubourg Saint-Denis (MC/ET/VIII/27, 22 mai 1508) son dernier achat parisien étant une maison, rue Jean-le-Mire, qu’il avait achetée en 1488 à Denis Aubert et revendra le 10 octobre 1514 (MC/ET/VIII/31).

Par ailleurs et par l’héritage de cette seconde épouse, le notaire va succéder à Guillaume Le Bossu gendre de Andriet Aymery et de Denis 1er le Bossu et Marie Baret parents déjà cités de Charlotte Le Bossu, devenant ainsi vers 1510 seigneur en partie de Montmagny (95) avec le fief de la Mairie dont l’origine remonte à Charles de Montmorency. Son épouse Catherine le Bossu devient ainsi dame de Montmagny.

Enfin, en 1511, Pierre Chevalier rendit un dernier aveu au seigneur de Livry pour son fief de la Poterne qu’il tenait depuis 1487 et était également vers 1520 seigneur du fief de Richebourg relevant de Thibaut de Vitry, fils de Guillaume et Jeanne Le Picart, seigneur de Crespières (78). Par contre, on ignore l’origine de cette propriété.

Les biens immobiliers de son fils l’archidiacre Jean Chevalier

Jean Chevalier fils du premier lit de son père le notaire Pierre, vivait à Paris en tant qu’avocat et devint en 1519 l’un des deux archidiacres de Tournai (Hainaut) aux cotés de l’évêque Louis Guillart de l’Epichelière qui avait rejoint son évêché après six ans d’absence. Nous ignorons combien d’années Jean Chevalier le nouvel archidiacre resta en fonction à Tournai, mais toujours est-il qu’il était revenu en région parisienne en 1527 pour la mort de son père.  Jean Chevalier était encore qualifié d’archidiacre lorsqu’il hérita du fief de la Poterne qui lui venait de sa mère Thomasse de Saint-Amand.

Le fief de la Poterne de Livry devient fief Chevalier à Noisy-le-Sec

L’avocat et archidiacre Jean conservera peu de temps ce fief situé à 18 kilomètres de Paris et avec l'aval de Simon Sanguin, alors seigneur de Livry, l’échangea avec l'abbé Jean Bienvenu au profit des religieux de l'abbaye augustine Notre-Dame de Livry. L'acte d'échange fut rédigé le 12 janvier 1528 devant notaire au Châtelet, avec l'accord du roi François 1er par lettre patente datée du 3 juin 1529, aval nécessaire car il s'agissait d'un échange de fief relevant du roi contre des terres en roture situées à Bondy.

L’échange du fief de la Poterne de Livry avec ses 65 arpents, se fit contre la « ferme du carrefour » située au centre du village de Bondy (93) ancienne propriété de l’abbaye parisienne de Saint-Martin des Champs, seigneur spirituel et temporel du lieu. La plus grande partie des terres échangées étaient situées au nord de Bondy, sur le chemin de Nonneville, ainsi que 11 arpents au Petit-Groslay, écart de Blanc-Mesnil (93), à proximité des terres de Nicolas Potier seigneur de Blanc-Mesnil, époux de Marie Chevalier.

Désormais, l'ancien fief de la Poterne de Livry se nomme "fief Chevalier" et relève du roi et de la seigneurie de Noisy-le-Sec (93). Preuve en est donnée le 19 janvier 1776 lorsque Mathieu-Louis de Mauperché, doyen des substituts du procureur général  du Parlement de Paris en rend aveu détaillé au roi Louis XVI. Cet aveu est publié dans l'ouvrage d'Hector Epaulard "Noisy-le-Sec" et ses environs", réédition Jean Constrasty page 24 et suivantes.  

Ce changement de mouvance est la conséquence des réformes constantes de la monarchie pour mettre un terme à l'influence des justices seigneuriales et ecclésiastiques avec pour horizon une justice d'Etat.   

Hypothèse sur Thomasse de Saint-Amand et son fils l’archidiacre Jean Chevalier.

La question reste posée sur le devenir de Jean Chevalier ainsi que sur l’origine de sa mère Thomasse de Saint-Amand. Est-elle native de Saint-Amand-les-Eaux, localité située à environ 20 kilomètres de Tournai, ou bien d’un autre lieu. En fait, sa filiation est encore ignorée, bien que plusieurs indices laissent entendre que son  époux le notaire Pierre Chevalier était apparenté aux Chevalier d'Eprunes descendants d'Etienne et Catherine Budé.

Les recherches continuent en direction de l’évêque Charles de Hautbois, premier cité dans ce récit. En effet, selon des renseignements non confirmés, il aurait eu une liaison morganatique dont serait née Jeanne de Hautbois veuve de l’avocat Pierre du Vivier seigneur du Perreux (94) puis mère de François Poncher fils de François (+ 1596), veuf de Catherine Bruslé et remarié à Marguerite Chevalier native d’Orléans. Ces éléments sont à prendre avec réserve car en fait, on ignore toujours où et quand l’archidiacre Jean Chevalier, fils du notaire est décédé et quel fut son sort après 1530. Il avait alors une soixantaine d’années.

En outre, il se confirmerais que la famille de Constantin Chevalier avait des intérêts en Bretagne.

 

[1] Carolus 1er de Hautbois, abbé commendataire de l'abbaye augustine Notre-Dame de Livry du 17 décembre 1492 à 1499, conseiller-clerc aux Grands Jours de Bretagne en 1495, S’accorde en 1497 avec Pierre Quicke, son compétiteur à l'évêché de Tournai (période du schisme de Tournai), évêque de Meaux, puis de Tournai en 1507, En 1510, appelle les fidèles à la reconstruction de l’église de Doornick (nom local de Tournai. En 1512, président des généraux de la justice des Aides. Seigneur du fief du Bègue du Fresnoy à Villetaneuse (93) relevant d’Anne de Montmorency, repris avec aveu et dénombrement du 31 octobre 1534 par Jeanne de Hautbois veuve de l’avocat Pierre du Vivier seigneur du Perreux (94) et Antoine du Vivier chanoine de Paris.

[2] Homme de confiance de Louis Guillart évêque de Tournai puis de Senlis, Germain Vivien résidait avec lui rue Sainte-Avoie à Paris, (MC/ET/XX au seigneur de Villemomble  XIII/14 , fol. 43 du 15/4/1529). C'est Germain qui constituait la plaque tournante à partir de Paris des prêts d'argent versés aux marchands pratiquants le commerce international entre la Flandre et les Pays-Bas, terre d'Empire. Apparenté à Gaucher Vivien, qui fut général maître des Monnaies jusqu'en 1457, Germain Vivien représentait l'évêque dans les transactions comerciales de ce dernier. Il serait beau-frère de Robert Gédouyn -secrétaire des finances en 1521 et l'un des premiers commis de Philippe de Castille, receveur général du clergé de 1575 à 1580.

[3] Pour mémoire, les parents sont Charles 1er Guillart (1457-1537) président à mortier et Jeanne de Vignacourt, mère de trois enfants. Le fils aîné était André 1er Guillart (1485-1568), maître des requêtes et intendant des finances mariées avec Marie de la Croix. Calviniste à partir de 1562, Il était en relation avec Jeanne d’Albret qu’il reçut en son domicile.

[4] Jean Laloyau est l'un des 16 examinateurs au Châtelet nommés à Bourges en 1485, fut commis du contrôleur général des guerres puis contrôleur des guerres en 1536 récompensé par François 1er.

Avril 2022

 

 

Date de dernière mise à jour : 14/05/2022

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